L'art de la calligraphie
Shodo, « la voie de l'écriture », se pratique au Pinceau, sur du papier, avec de l'encre solide qu'on dilue en la frottant contre une pierre à encre. Le calligraphe trace son oeuvre d'une seule traite, et ne peut y apporter la moindre retouche. Ainsi peut-on sentir le «souffle » qui a soutenu une oeuvre tracée il y a même deux mille ans. Car elle est une oeuvre unique, la respiration d'un moment, comparable à l'interprétation d'une oeuvre musicale, mais sa trace matérielle nous reste, comme l'oeuvre d'un peintre.
Différents styles sont nés en Chine au cours des siècles, en fonction des supports. On a commencé par tailler des pictogrammes dans l'os ou l'écaille de tortue (kokotsubun), vers 1500-1000 avant J.-C. ; puis on a gravé dans le bronze (kinbun ) une écriture en pictogrammes avec recherche d'effets décoratifs (vers 900 avant J.-C.) ; à l'époque des Qin (221-206 avant J.-C.), la première tentative d'unification de la Chine s'accompagne de l'apparition du style tensho, écriture solennelle utilisée pour les besoins officiels. Le caractère s'éloigne du pictogramme pour devenir abstraction. Pour les besoins privés, se crée le style reisho, dans lequel l'équilibre entre les traits horizontaux et verticaux devient l'axe de la construction du caractère. Jusqu'alors, les écrits étaient du domaine du symbole, une trace de puissance. Mais, la vie administrative s'intensifiant,
l'écriture rejoint le domaine du quotidien, se fait culture vivante. Avec l'invention du papier (début du II eme siècle après J.-C.), l'écriture subit de grandes transformations. Apparaissent alors les styles sosho «cursif» et kaisho «régulier», issus du
reisho. Dans le premier, les caractères sont tracés de façon simplifiée, tous les traits liés, ce qui en rend la lecture parfois difficile. Dans le style kaisho, tous les traits d'un caractère sont notés nettement, avec précision. Cette écriture tracée plus rapidement, avec certains traits liés, devient un nouveau style, gyosho « courant », le plus utilisé dans la vie pratique. Le style sosho connaîtra son âge d'or, en Chine, au IVe siècle, mais le style kaisho n'atteindra son apogée qu'à
l'époque des Tang (618-907). Cependant le papier est une matière chère et précieuse, aussi continue-t-on pendant toute l'époque des Han (206 avant J.-C.- 220 après J.-C.) à écrire sur des lamelles de bois (mokkan) dans un style libre et souple.L'importance de ces lamelles de bois est qu'elles sont le premier témoignage que l'on possède actuellement d'une écriture directement tracée,
par opposition aux écrits sur des supports destinés à durer, et qui sont « au second degré» : d'abord tracés au pinceau, puis ensuite gravés.
Les premiers contacts des Japonais avec l'écriture chinoise ont dû avoir lieu vers les I -II eme siècles de notre ère. Mais son assimilation se fera plus tard, vers les V -VI eme siècles, en pleine période de maturation des styles sosho, gyosho, kaisho, qui sont encore aujourd'hui les styles les plus pratiqués au japon. D'autre part, utilisant les caractères chinois phonétiquement, les Japonais en dérivent deux écritures syllabiques : les hiragana et les katakana. Les premiers, issus du style cursif, donneront naissance à une calligraphie spécifiquement japonaise permettant à la sensibilité japonaise de mieux s'exprimer, par exemple dans la calligraphie des poèmes.
Tous ces styles restent aujourd'hui à la disposition de celui qui veut pratiquer la calligraphie. Qu'il s'agisse de professionnels dont les oeuvres peuvent être contemplées dans des expositions, des musées, des livres, chez des collectionneurs... Ou qu'il s'agisse de la vie quotidienne, où la calligraphie reste omniprésente. Ainsi, le kaisho sert aux usages administratifs, ou pour la copie des sutras, là où la rigueur est nécessaire. Le gyosho est par excellence le style de la correspondance, permettant à la fois élégance et clarté. Le sosho continue à être utilisé pour la notation des poèmes. Le tensho a trouvé une utilisation toute particulière : il est le style exclusif des sceaux (au japon, le hanko (sceau) fait office de signature pour tout document officiel). Par ailleurs, il suffit de sortir dans la rue et de regarder. Les enseignes de magasins, les marques de produits, les titres de journaux, de films, etc., sont souvent des ceuvres de grands maîtres.
Les japonais ont un attachement tout à fait particulier à l'acte d'écriture qui échappe à la machine et reste la trace de l'esprit.
Bonne lecture